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Trois///Espaces

Janvier - Février 2018

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Si l’artiste est confronté à la solitude de la création, l’exposition, en la dévoilant lève cette solitude et livre ce qui la soutient, l’élan magique de la communication. De celle-ci, plus que la rencontre avec le public, ou peut-être la préparant, c’est le dialogue de l’artiste avec l’artiste qui se dévoile. Le processus est à l’œuvre notamment dans l’exposition collective, et plus particulièrement quand celle-ci se ramène à une triade. 

C’est alors l’intention du commissaire, de l’organisateur, qui fait sens, qu’est-ce qui a suscité la confrontation ? Quelle intuition préside au mettre ensemble ? Ici, face aux dessins de Liu Yi, qui apparaissent comme un socle millénaire, comme un état de la déclinaison, constante et répétée de l’encre sur la feuille, où l’artiste trace et prolonge le geste de l’art, apportant sa propre inflexion où se combinent tradition et modernité, on voit deux autres tensions, de nous mieux connues, élaborer comme une danse, elle aussi faite de flux et de reflux. 

Faut-il voir trois traditions, celle de l’orient, du Moyen Orient, de l’Europe se poser l’une dans son rapport aux deux autres, ou, plus simplement un dispositif permettant la rencontre, un dialogue ? Mais peut-être plutôt ceci : comment chacun, artiste, dans la rencontre, se confronte, à lui-même, à sa propre tradition. En fait la question devient qu’est-ce que la tradition ? A quoi nous avons ici une réponse. 

Non pas celle qui prendrait la forme d’une notice de dictionnaire car nous sommes dans l’art, dans la plastique et pas dans la lexicologie, la réponse est dans ce que montre l’art, dans ce que dévoile la production ? Ce qui est alors frappant c’est de voir comment chaque proposition se développe en reprenant et restaurant ses propres vocabulaires et syntaxes. 

C’est le cas d’Ilhem Ellouze qui à partir de sa forme repère, des deux cônes référents, cette abstraction géométrique que l’œil en quête de sens peut rapprocher de la géométrisation du derviche, habituellement traitée en modules sculpture, la déploie en peinture. Elle retrouve une plastique warholienne et marie sa propre logique, elle-même abstraction de sa base de référence, à la base référentielle de la contemporanéité occidentale. 

On trouve alors la mise en évidence d’une syntaxe universelle où les expressions entrent dans le dévoilement de la trame non écrite où l’art échappe à son lieu propre pour s’ancrer dans l’ailleurs du mystère de ce qui fait qu’il y a partout et depuis tout le temps de l’art. 

Chez Liu Yi cela se décline de la calligraphie traditionnelle à l’effacement de sa forme langage dans l’enflure de la matière de l’encre. On retrouve une logique travaillée en France par Soulages, ici elle opère la mutation de l’écrit en peinture. 

La toile de l’effacement que présente Jacques Verdier relève, elle aussi de ce procédé. Elle s’inscrit en même temps dans la logique d’épurement de ses toiles de saturation où collages, signes et gestes de peintre creusent dans l’espace saturé une ouverture. Celles-ci, mises en regard de la toile de l’effacement, semblent annoncer une redistribution. 

Cette toile qui figure les signes de ce qui pourrait être les prémisses de l’écriture, renvoie à ses premiers totems de papier, mais là la peinture naît de l’effacement de l’écriture. Une renaissance en quelque sorte. Signe pour les temps qui viennent. Et cet effacement s’immisce là, sous les rappels d’un état de l’art d’aujourd’hui.

 

En questionnant l’intuition de ce mettre ensemble, c’est l’idée du mouvement créateur et ses tensions qui se profile. Au spectateur alors de penser ce qui serait la rencontre. Là, alors, la réponse trace un schéma des tensions de l’artiste à ses fondements, à lui-même et à ce qui l’entoure. Or ce qui l’entoure c’est l’actuel, c’est la logique des formes, dans lesquelles, il doit, s’il veut exister comme artiste, trouver sa voie. C’est trois aperçus d’œuvre, montrent la naissance des voies de la création, face à ce qui les porte, face à ce qui les reçoit.

 

Louis Ucciani

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